Première journée de classe

insomnie

Après un week-end entier à bosser pour préparer au mieux ma première journée de « maîtresse du lundi », la nuit du dimanche au lundi a été plutôt chaotique.
J’ai enchaîné cauchemars sur cauchemars… Bilan des courses, je ne me suis pas vraiment réveillée en pleine forme pour ce grand jour !

A vrai dire, je ne me sens pas prête du tout à affronter mes 21 têtes blondes. Je ne suis pas satisfaite de tout ce que j’ai préparé et je me demande vraiment si ça va fonctionner.

Un bon petit déjeuner, une tasse de thé et une bonne douche plus tard, me voilà à l’école. Je termine les derniers préparatifs dans la classe, avant l’arrivée des enfants. Je croise la directrice que je remplace et qui ne semble pas avoir de temps à me consacrer. Dommage, j’aurais bien eu besoin d’un peu de soutien, ne serait-ce que psychologiquement. Je me sens d’un coup très seule, avec la désagréable impression de ne pouvoir compter que sur moi-même…

C’est déjà l’heure d’entrer en classe. Je rassemble comme je peux mes p’tits bambins (je ne mets pas encore un prénom sur chaque frimousse). Nous voilà tous réunis sur les bancs de la classe. Ouf, ils se souviennent de moi et disent mon prénom à l’unisson quand je leur demande s’ils se rappellent de moi. Je ne suis pas une totale inconnue pour eux, c’est déjà ça ! (ils m’ont rencontrée le jour de leur rentrée des classes).
Là tout va très vite, le temps file et les activités s’enchaînent, plus ou moins bien.
Je zappe une partie de la séance sur les formes que j’avais prévue pour les grands. Tant pis, ça sera pour la prochaine fois.

J’ai du mal à maîtriser le volume sonore et je me vois monter le ton et crier assez régulièrement… Moi qui me moquais de mes profs débutants, au lycée, quand ils passaient leur temps à hurler pour nous faire taire, en vain… Ça m’apprendra ! Je ne fais pas mieux. Il faut croire que c’est l’instinct de survie (pas très au point) du prof débutant.

La première récréation arrive (enfin, quel soulagement) et je vais prendre l’air dans la cours, espérant trouver un peu de soutien et de compassion auprès de mes collègues. A ma grande déception, à part un petit « ça se passe bien ? », personne ne semble s’inquiéter de mes premières séances de débutante.

Je n’ai pas vraiment le temps de me détendre que la fin de la récréation arrive. Je tape dans les mains pour récupérer mes élèves. Un, deux, trois viennent se mettre en rang devant moi. Les autres sont éparpillés dans la cours et ne m’ont visiblement pas entendue taper dans les mains. Ne connaissant pas leurs prénoms, j’ai bien du mal à ramener les brebis égarées. Je vois les regards des collègues encore dans la cours et je me sens vraiment pitoyable. Heureusement, une des instits qui connait tous les enfants de l’école (ouf un peu de pitié), me donne un coup de main pour les rassembler.

C’est l’heure de la motricité. La salle prévue à cet effet (qui sert également de salle de sieste pour les petits et de BCD) n’est guère plus grande qu’un placard à balai et à 21 (22 avec moi), nous sommes un peu serrés. Qu’à cela ne tienne, j’enchaîne ce que j’avais prévu et ô miracle ça se passe plutôt bien, même si on se marche un peu dessus. Vers la fin de la séance, les enfants me réclament le jeu du « lapin qui a du chagrin ». Le seul problème est que je ne le connais pas. Quelle erreur n’ai-je pas fait de leur demander de m’expliquer… Tout le monde veut m’expliquer, les esprits s’échauffent, on se dispute, on se bouscule. Je finis par pousser LA gueulante de la matinée. Le calme revient d’un coup (heureusement, la classe se trouvant à côté de la salle de motricité était vide à ce moment-là) et je les fais rentrer en classe. 

Il ne reste plus beaucoup de temps avant la pause de midi et j’avais répété tout le week-end une comptine à leur apprendre. Bien entendu, les galères s’étant enchaînées, je n’avais pas pu graver la musique sur CD. Une fois sur les bancs, c’est le trou noir. Impossible de retrouver les paroles et encore moins l’air.
J’improvise, à partir de souvenirs de stages en observation (stage où l’on observe un enseignant dans sa classe), une petite comptine sur la main qui caresse, pince, chatouille et gratte… et ça marche ! Ils sont calmes et se prennent au jeu, répétant ma chanson improvisée et mimant mes gestes (eux aussi improvisés).
La matinée est terminée, je les fais sortir sur Frère Jacques (heureusement qu’il y a les grands classiques que tout le monde connait !) et à peine la porte de la classe franchie, ils filent à toute allure. Pas la peine de leur demander de se mettre en rang deux par deux, de toute façon, je n’en ai plus vraiment la force.

L’après-midi ressemble à la matinée, j’ai à peine vu passer la pause. J’ai prévu une activité de graphisme pour les grands pendant que les moyens se reposent une demi-heure. Le problème, c’est que le repos des moyens ressemblait plus à un atelier de cirque. Dès que j’ai le dos tourné, ils grimpent sur les bancs, font tomber les jouets. Je n’arrête pas les aller-retour entre les grands qui me sollicitent et les moyens que je tente de faire taire et que j’implore presque de rester au moins allongés à défaut de dormir.
Je crois bien que c’est là que j’ai le plus crié. Je me voyais de l’extérieur en même temps que je vivais la scène. C’était pathétique…

Un goûter est prévu à 16h dans la classe avec tous les enfants de l’école pour le départ d’une des EVS. Il faut donc tenir jusqu’à 16h sans récréation. J’y arrive cahin-caha mais finis tout de même par faire sortir mes élèves 5 ou 10 minutes plus tôt, ne pouvant plus les tenir.

Sans trop réfléchir, je leur fais prendre leur goûter pour aller dans la cours… Sauf que bien entendu qui dit goûter avec tous les élèves de l’école dit gâteaux, bonbons et boissons. J’encaisse quelques réflexions de mes collègues comme « ah tu leur as fait prendre leur goûter? Mais ils n’auront plus faim pour ce qu’a amené M. ! Enfin bon, c’est toi qui vois! » Vlan dans les dents…

Je reste à l’écart pendant le goûter, je suis épuisée, lessivée. Pendant que des CE2 me demandent comment je m’appelle et ce que je fais dans l’école, une de mes petites me dit, en toute innocence « Toi tu cries tout le temps ! »
Et voilà, elle m’a achevée ! Elle a résumé en quelques mots le sentiment d’échec qui m’a retourné l’estomac toute la journée…

Je crie tout le temps, je suis même pas fichue de faire en sorte que 21 petits bouts se tiennent tranquilles une journée ! La journée n’est pas encore tout à fait terminée puisqu’un conseil de maîtres est prévu à 16h45.
Les instits parlent de leurs problèmes respectifs et le thème prévu n’est pas abordé. Qu’importe, je suis ailleurs, repensant à ma journée, m’entendant crier encore et encore…

Je ne quitte l’école qu’à 19h45 sans que personne ne se soit soucié de la façon dont j’avais vécu cette première journée.

Heureusement, je suis allée manger chez un ami avec qui j’ai pu me lâcher, dire tout ce que j’avais sur le cœur. Ça m’a fait beaucoup de bien. Une fois dans mon lit, j’ai relativisé et réfléchi aux erreurs que j’avais faites, à comment faire mieux la prochaine fois. Puis le marchand de sable est passé et j’ai dormi comme un loir.

Ma première journée de maîtresse du lundi était finie !